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Posts Tagged ‘Pascal Aquien’

Chers Amis,

Il me semble nécessaire de préciser ceci : Il y a mille et une façon d’interpréter Wilde et de le com-prendre. Beaucoup peuvent être ennuyés par ma prose philosophique qui cherche à nuancer ce qui a été écrit par / sur Oscar Wilde, ou la façon trop réaliste que j’ai de traiter des sujets au théâtre qui me passionnent. Mais une chose est certaine, je suis lucide sur ce qui se crée autour de Wilde : en plus clair, ce qu’il aurait aimé retrouver de lui et l’inventivité des nouveaux artistes…

L’Artiste Patrick CHAMBON est de ceux-là : un authentique créatif, un bouillonnant metteur-en scène des maux de Wilde et de sa vision intense des Arts et des problèmes de Société. Il vient de publier cette œuvre d’art :

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Aux Editions Hazan.

Et la Préface de Merlin Holland, ainsi que l’introduction et la traduction de Pascal Aquien, (professeur et spécialiste de Wilde -entre autre- et de littérature anglaise à la Sorbonne), ne pourront que vous stimuler à admirer ce travail d’une finesse absolue selon moi.

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Patrick Chambon

Pourquoi d’une « finesse absolue » ? Parce que Patrick Chambon se promène entre réalisme et imagination tout en étant témoin et acteur des aphorismes d’Oscar Wilde. Cela exige une dimension intuitive qui accueille l’intellectuel qu’il est, psychologue, esthète et fin connaisseur des exigences philosophiques de Wilde. C’est un équilibriste qui ne tombe pas dans la saturation des « notes en bas de pages », mais un être spontané qui vous propose un univers et une griffe bien à lui avec le plaisir de prendre les intentions de Wilde avec distance aussi…

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Il était temps que son art soit reconnu parce qu’il est tout simplement original et profond.
Oscar aurait savouré sa pose et ses invités. Soyez-en certains.

LOU FERREIRA

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Oscar Wilde

Oscar Wilde – environ 24 ans-

A tous !

Vous le savez, deux de mes articles vous annonçaient l’exposition au Petit Palais dédiée à Oscar Wilde :

https://cercle-esthetique-et-philosophique-wildien.com/2016/01/25/un-changement-de-date-pour-lexposition-wilde-limprevu/

Mais vous pourrez aussi apprécier l’intervention du plus grand spécialiste en France d’Oscar Wilde : Pascal AQUIEN.

Voir mon autre article : https://cercle-esthetique-et-philosophique-wildien.com/2012/06/06/pascal-aquien-le-miroir-doscar-wilde/

En effet, il prépare un Mooc pour le mois d’Octobre 2016 (Le signe anglophone MOOC désigne les « Massive Open Online Courses ». En français, on pourrait traduire le terme par « formation en ligne massive ouverte à tous », ce qui donnerait FLMOT sous forme de sigle).

Voici le lien qui vous donnera des informations plus précises et utiles :

https://www.actualitte.com/article/patrimoine-education/la-sorbonne-propose-un-mooc-dedie-a-oscar-wilde-a-la-rentree/66042

A TRÈS BIENTÔT !

LOU FERREIRA

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Chers Amis,

Il semble peut-être tôt pour vous informer de cette nouvelle -que certains connaissent déjà certes-, mais pendant trois mois, Oscar Wilde sera à l’honneur au Petit Palais à Paris : du 19 Octobre 2016 au 15 Janvier 2017 !

Merlin Holland, son petit-fils, de très nombreux intellectuels de renommée internationale -dont mon ami Pascal Aquien- feront partie des conférenciers. Bien entendu il y aura bien des œuvres à admirer, ses contemporains à redécouvrir ou des objets personnels, mais on mettra enfin l’accent sur ce qui a consolidé toute l’œuvre d’Oscar Wilde et ses « Intentions » : L’Aesthetic Movement.

Dante Gabriel Rossetti - The Beautiful Hand 1875

Dante Gabriel ROSSETTI -1875-

Ce sera donc nécessairement riche en tous points ! Voici un premier lien pour toutes les informations nécessaires :

http://www.sortiraparis.com/arts-culture/exposition/articles/102654-oscar-wilde-l-impertinent-absolu-au-petit-palais

A TRÈS BIENTÔT !

LOU FERREIRA

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Oscar Wilde, L’Eventail de lady Windermere. Edition bilingue. Préface, traduction, notes et bibliographie de Pascal Aquien. Paris : GF Flammarion, 2012

Chers Amis, Pascal AQUIEN, que j’ai eu le plaisir de recevoir au Salon Littéraire de fin Juin, vient de me communiquer sa dernière publication. L’édition bilingue de « L’éventail de Lady Windermere » de Wilde. La Société Oscar Wilde française avait également signalé cette nouvelle traduction dans son numéro de Rue des Beaux Arts de l’été : Publications.htm

Si vous cherchez la meilleure traduction qui soit c’est donc celle-ci !

Merci à tous et amusez-vous avec le style « au fleuret » de ce cher Oscar….

A Samedi pour le Salon Littéraire ,

Lou

Pascal AQUIEN.

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« Etre un enfant illégitime était une condition très simple en comparaison de celle dans laquelle nous nous trouvions. (…) Nous avions su ce que c’était qu’avoir un père fêté et admiré, et l’obligation maintenant de le renier et d’enfouir au fond de notre cœur jusqu’à son existence constituait, pour des enfants, un terrible fardeau à porter. »

Propos de Vyvyan Holland. (1)

Pascal Aquien pose la difficulté du nom de Wilde avec justesse : Pour présenter « De Profundis », il précise que ce texte, est aussi celui de la :

« consolidation du Moi après l’épreuve de la prison. (…) Wilde vise à récréer une image de lui-même que l’expérience carcérale à détruite ou mise à mal. (…) Par le truchement de l’autobiographie, il peut se reconstruire et redonner corps à son nom momentanément effacé. (L’homme Oscar Wilde, n’était plus que le prisonnier C.3.3) » (2)

Un nom. Retrouver son nom, tout ce qu’il symbolisait pour Wilde, mais l’être, l’essence même de ce nom que la prison a réduit à un corps, Michel Foucault l’a décrit : on ne touche plus au corps « en public », certes, mais ce sont de toute façon des châtiments qui visent le corps et atteignent l’âme, donc l’identité du prisonnier. Or la « chance » de Wilde est que même en prison, tout le monde le connaît. Sa gloire passée le préserve de l’anonymat absolu qui est la mort de l’être, dans de nombreux cas. Lorsque nous nous permettons de préciser qu’il a eu de la « chance », c’est parce qu’il a pu aussi bénéficier d’encre et de papier pour réécrire une partie des souvenirs, et évacuer momentanément le désespoir et la rage qui auraient déstructuré nombre de codétenus.
Mais cela n’en demeure pas moins un châtiment d’une violence inouïe. Si nous avons posé en exergue le souvenir de Vyvyan, c’est parce que le rejet de la femme d’Oscar Wilde et de ses fils, dans tous les lieux où ils se rendaient dès la fin du procès, les contraignaient à changer de nom : Holland. Ce nom est celui de la femme de Wilde et Vyvyan le portera avec fierté jusqu’au bout de lui en 1967.

Cependant rien n’efface le fait que le nom du père a été banni, bafoué, humilié et qu’il était impossible de le porter si les proches de Wilde voulaient survivre en paix. Nous aurions pu mettre en bas de page un détail de même importance, mais il faut se rendre compte que des décennies après la mort de Wilde, ce nom semblait devoir être enterré avec son auteur. Définitivement. Il aura fallu attendre 1963 pour que sur la tombe de la jeune femme Constance Lloyd –décédée avant son époux en 1898- on inscrive enfin : « épouse d’Oscar Wilde ».

Constance Lloyd , épouse d’Oscar Wilde

Sous le nom de crimes et de délits, on s’attaque en fait aux passions, aux instincts, et des familles entières, qui n’ont pas le temps de comprendre les mécanismes utilisés par le juridique, pour ignorer l’existence et l’identité de tous les êtres que l’on juge, ne peuvent, dans ce cas précis réaliser à long terme, ce que signifie, avoir été l’épouse et les enfants d’Oscar Wilde. Ils étaient assimilés à ce que les puritains considéraient comme « sale » et déshonorant et cela ne se discutait pas.
Pour beaucoup de prisonniers, le problème est aussi grave, nous ne l’ignorons pas. Mais avoir été de la famille d’Oscar Wilde, c’était plus compliqué. Vyvyan Holland raconte dans ses mémoires à quel point le silence était un devoir autour cette « affaire » et qu’aucune question ne devait être posée clairement, ou alors développée. C’est ainsi que le fils cadet de Wilde n’apprit qu’à l’approche de ses 20 ans, les motifs qui avaient conduit son père en prison.

Ses souvenirs à ce sujet sont éprouvants : lorsque son père meurt en novembre 1900, Vyvyan est âgé de treize ans. On le convoque pour lui annoncer en termes neutres que son père vient de décéder. Le jeune adolescent ne put jamais réellement faire son deuil : son père lui a été retiré alors qu’il n’était qu’un enfant, ensuite il doit changer de nom sans en comprendre les raisons, puis ce père disparaît et il doit se taire. Ce n’est qu’en 1949 que son épouse lui conseille de poser et d’imposer enfin son identité dans un livre troublant.

Que l’on nous pardonne ce passage biographique –que de meilleurs biographes auraient pu évoquer avec force détails significatifs-. Ce n’est pas de notre ressort. Mais il fallait au moins rappeler de quelles manières, les méthodes pénales tuent ce qui constitue l’essence d’un être dès sa naissance : son nom et son prénom. Il y a non seulement eu le scandale Wilde, mais il a été accompagné d’un anéantissement identitaire paternel et marital, auquel il a fallu faire face pendant des décennies. Et nous ne pensons pas que Merlin Holland, fils de Vyvyan Holland soit allégé de cette peine.
En excluant le nom de Wilde, on excluait son œuvre, sa gloire, son âme, avec un numéro : C.3.3. Pourtant, c’est avec ce numéro impersonnel que Wilde put vendre sans problème son œuvre ultime et une des plus belles : « La ballade de la geôle de Reading. » C’est là que le problème de l’identité en soi, ne s’annule pas complètement. C.3.3 dès 1898 signifiait Oscar Wilde. C’était un secret pour peu de monde, mais un monde déjà restreint.

Cela dit, où est le rapport que Sartre rappelle au subjectif ? Comment être certain que l’imagination représentant l’absent, est bien cet absent ? Il n’ y a peut-être qu’un seul choix : se souvenir de ce qu’il préférait, de ce qu’il était, de ce qu’il représentait et de ce qu’il a bousculé. Avec le nom de Wilde, il était possible de repenser ses rêves, de relire ses textes comme des testaments pour que l’homme en soi, l’être-en soi et l’être-pour soi apparaissent plus « vivants ». La qualité de Wilde se révèle alors dans un « il y a vers l’être Wilde ». Autrement dit, « qu’il existe une nouvelle teneur métaphysique de toute révélation de l’être ». Et de ce fait, tout ce qui contribue à l’anéantissement du nom de Wilde doit être combattu, c’est-à-dire qu’aucune passivité (de la part du fils de Wilde et de ses descendants, des éditeurs, des amis écrivains…) ne doit affecter personne au sens où il faut réaliser qu’il existe un contre- pouvoir en face (politique, social, juridique) et que l’être et le nom de Wilde (qui en est sa représentation), doit être arraché d’une néantisation qui le guette.

Le nom de Wilde est une problématique d’ordre ontologique. L’être préréflexif existe avant la décision arbitraire d’un tribunal, et avant la volonté puritaine de creuser la tombe du nom d’une famille sans aucun état d’âme, pourvu que leurs mœurs soient protégées d’un nom « Sali ». L’absence du nom de Wilde, est le phénomène qui renvoie aux multiples apparitions et significations qui, du coup, pose sa présence. Il faut alors que ce soit des projets qui prennent vie, et qu’avec son œuvre et les souvenirs de tous, (les plus précis possibles), on relie le passé qui avait un nom, au futur qui le reniait, pour dominer un nom éternellement présent. Wilde en tant que nom de père, d’époux, et Wilde en tant qu’artiste et esthète.

Le nom de Wilde n’est pas par essence la personne qu’elle est uniquement, cela est une conception limitée de la valeur d’un nom. Celui de Wilde est intimement re-lié à des parents, une communauté, des enfants, une œuvre, un mouvement littéraire etc. Il est impossible d’envisager qu’il y ait eu de nombreux combats pour le simple fait de se réapproprier un nom propre rappelant la personne elle-même. D’ailleurs, cela n’a pas été fait –jusqu’à nos dernières sources- : Merlin Holland, petit-fils d’Oscar Wilde a préféré conserver le nom de Holland en hommage à son père et sa grand-mère, mais cela n’a pas été incompatible avec sa volonté de lutter contre les mensonges qui se multiplient quotidiennement autour du « mythe » Wilde. Ni de se battre pour la réhabilitation d’Oscar Wilde .

Entre le nom de Wilde et le mythe de Wilde, il existe une autre incarnation qui n’est pas l’auteur sur lequel nous réfléchissons depuis le commencement. Le mythe Wilde s’apparente à un être christique, et de cela également, il faudra raccourcir l’ampleur des espoirs et des illusions qui trahissent un nom.
Le nom de Wilde était : Oscar Fingal O’ Flahertie Wills Wilde, et lui seul avait le droit de le raccourcir avec son humour non teinté de quelque prétention, mais signe d’une immense détermination. Ainsi, comme le rappelle Merlin Holland :

« Wilde fut plutôt gêné par cette pléthore de prénom, avant d’en faire un sujet de fierté à l’université. (Citant son grand-père, Merlin Holland poursuit) : « A mesure que l’on devient célèbre, on en écarte quelques uns, exactement comme un voyageur qui se déplace en ballon, lâche du lest pour monter plus haut….J’ai déjà jeté par-dessus bord deux de mes cinq noms. Bientôt j’en enlèverai un autre et l’on me reconnaîtra tout simplement sous le nom de « The Wilde » ou « The Oscar »

« The Wilde » : L’Etre hors du commun qui justifierait l’article défini, comme on dirait « Le Christ », ou Le « Prince ». L’Unique en soi. Celui que l’on ne confond avec personne et dont on se souvient pour longtemps, ou pour toujours. C’était le désir de Wilde, mais il va, paradoxalement, en se « punissant » d’être unique, le devenir vraiment. Wilde a usé de cela, mais il se considérait seul juge de sa vie, et sa « mission » s’apparentait à celle d’un Stirner qui a opéré une vraie critique sur sa destination intellectuelle, en dehors de tout assujettissement, pour que son être ne soit pas une supposition, une hypothèse, mais l’Etre posé là devant nous et dont le nom seul soit signifier l’ampleur du contenu de ce qu’il est et ce qu’il combat.
Oscar Wilde décide, choisit, s’autorise. Même dans l’errance à Paris, il choisit un autre nom : Sébastien Melmoth pour ne pas être reconnu par le propriétaire de l’hôtel d’Alsace où il finira ses jours, de peur qu’on le rejette, comme ce fut le cas de nombreuses fois, surtout à Dieppe dès sa sortie de prison. Ce n’est pas Oscar Wilde qui rejette son identité, ce sont ceux qui l’attachent à la perversité et au souvenir du procès.

Le propriétaire Dupoirier (de l’hôtel parisien), avait deviné –non pas la véritable identité de son locataire-, mais sa générosité fut si impressionnante (il accepta les dettes de Wilde jusqu’à la fin de son séjour à l’hôtel), pressentant ainsi, que ce devait être quelqu’un d’unique. Le propriétaire avait regardé Wilde, il avait compris sans aucun élément de réponse que « The Wilde » était un locataire maître de lui malgré sa fatigue et surtout sa discrétion, qui visiblement n’était pas uniquement celle d’un être ordinairement bien élevé.
Il ne jouait pas à être The Wilde comme le dit Sartre, il était responsable de son être, et s’est toujours constitué comme fondement de lui-même, qu’il a rejoint avec tout son sens et sa résistance.
Le nom de Wilde est ainsi et avant tout, attaché à un engagement profond de valeurs éthiques et esthétiques qu’aucun pseudonyme, ni même un numéro n’effacent aisément, mais se rattachent inévitablement au nom de Wilde, comme une évidence.

LOU FERREIRA

(1) Vyvyan Wilde, fils d’Oscar Wilde, Paris, Flammarion, 1949, p.113
(2) Oscar Wilde, Présentation P. Aquien, in « Œuvres » Op, cit, p.1335

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lithographie trouvée sur le site / blog : journalepicurien.com

Bonjour à tous !

Le dernier Salon Littéraire de la saison aura donc lieu le Samedi 30 Juin dès 19h 30 à Paris 5ème. (Prochain rendez-vous : le samedi 29 septembre). Pour y participer m’écrire à : liliane-lou@wanadoo.fr

Les auteurs que je recevrai avec bonheur sont :

Pascal Aquien pour évoquer Wilde : pascal-aquien-le-miroir-doscar-wilde

Nicolas Chaignot pour un thème sur « La servitude volontaire aujourd’hui «  : NicolasChaignotPhDthesisabstract.pdf

Cécile Mainardi, poétesse subtile : mainardi.htm

Et Patrick Cardon (s’il peut se rendre disponible), on ne le présente plus ! : 206

Vivement le 30 Juin !

Lithographie trouvée sur le site / Blog : alphonsedaudet.org

LOU FERREIRA

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A tous :

La Société Oscar Wilde se joint à nous pour vous rappeler une lecture qui plaira très certainement ! :

Celle d’une rencontre fictive mais fort précieuse entre Jean Lorrain et Oscar Wilde.
Voici ce que les auteurs Patrick Tudoret et Thibaut D’Anthonay (dont j’ai déjà évoqué le travail dans un de mes articles) vous proposent le lundi 18 juin à 18h
:

« J’ai le plaisir de vous inviter à une lecture de la pièce L’Entrevue de Taormine, Oscar Wilde – Jean Lorrain (co-écrite avec mon ami Thibaut d’Anthonay. Pour plus d’infos, voir ci-dessous) le lundi 18 juin prochain à 18h précises (accueil à 17h45) à L’Espace Cardin, 1-3 avenue Gabriel, 75008 Paris.
Avec :

dans le rôle d’Oscar Wilde : Philippe Magnan Philippe_Magnan)
dans le rôle de Jean Lorrain : Benoît Solès Benoît_Solès)

MERCI DE BIEN VOULOIR ME CONFIRMER VOTRE PRESENCE A CETTE ADRESSE MAIL. : patrick.tudoret@free.fr

Tout au plaisir de vous voir à cette occasion.
Très cordialement,
Patrick Tudoret.
06 11 33 07 67

Le propos :

À travers la fiction de retrouvailles fortuites entre Oscar Wilde et Jean Lorrain (ils ont réellement séjourné chez le même hôte à Taormine, à quelques semaines d’écart, cette année-là), deux « monstres sacrés » de la Belle Époque qui se fréquentèrent sans pour autant se lier d’amitié, L’Entrevue de Taormine met en scène la confrontation de deux écrivains de premier plan. Malgré leurs multiples convergences de vue, leur trajectoire respective, à ce stade de leur existence, les situe alors aux antipodes l’un de l’autre. Libéré depuis quelques mois du bagne où il a purgé deux ans de travaux forcés en raison de son homosexualité, Wilde entame une lente déchéance qui consommera sa ruine en tant qu’homme et artiste. D’un an son cadet, journaliste célèbre, Lorrain est sur le point d’atteindre à la consécration littéraire, ce qu’il ambitionne par-dessus tout. Malgré leurs similitudes, ces deux personnalités s’affrontent dans une joute oratoire dont l’enjeu crucial n’est autre que celui de leur devenir, au cours des quelques années qu’il leur reste à vivre.

Par-delà le thème de la persécution dont fit l’objet l’homosexualité en Europe jusqu’à une époque récente, L’Entrevue de Taormine se voudrait un plaidoyer en faveur des différences entre les individus ; de la liberté d’être soi-même, de vivre, d’aimer et de créer selon ses goûts, au sein de sociétés normatives et souvent répressives ; de l’épanouissement de l’artiste, dernier porteur des valeurs humanistes menacées de destruction par nos sociétés matérialistes.

Les auteurs :
Docteur ès Lettres, Thibaut d’Anthonay est un spécialiste de la littérature « Fin de siècle » et de l’œuvre de Jean Lorrain en particulier. Il est l’auteur de sa biographie : Jean Lorrain, Miroir de la Belle Epoque (Fayard) – Bourse Goncourt de la biographie et Prix Marcel Thiébaut de la Société des Gens de Lettres 2005 – et d’un essai : Jean Lorrain, Barbare et esthète (Plon, 1991). Secrétaire général de la Société des Amis de Jean Lorrain, on lui doit aussi la réédition de plusieurs œuvres de celui-ci.

Patrick Tudoret est l’auteur d’une quinzaine de livres – romans, essais, récits – parus notamment aux Editions de La Table Ronde (Groupe Gallimard) et d’une pièce de théâtre Les Hauts plateaux, jouée au Théâtre Rive Gauche à Paris en 2006. Docteur en Sciences Politiques de la Sorbonne, il est également chercheur en sociologie des médias. Son récent essai L’Ecrivain sacrifié, Vie et mort de l’émission littéraire lui a valu, en 2009, le Grand Prix de la Critique Littéraire et le Prix Charles Oulmont de la Fondation de France. »

Voici un lien fort utile : index.php?option=com_content&task=view&id=93&Itemid=99

Dernière information de la journée : Pascal Aquien, qui nous a offert un article sur Wilde hier, sera présent au prochain Salon Littéraire du Samedi 30 juin pour un exposé sur le poète

A bientôt !

Lou Ferreira

La tasse de thé. Berthe Morisot

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Chers Amis, l’auteur que je tiens absolument à vous présenter ce jour, est incontestablement l’interprète et le traducteur le plus précis des œuvres d’Oscar Wilde en France (au moins).

Le titre de mon article est une évidence : il signifie non seulement que les réflexions de Pascal Aquien permettent d’élucider le sens et les significations multiples de nombreuses œuvres wildiennes (de par ses analyses littéraires conjuguées au philosophique et à ses traductions), mais tout autant de poser et proposer un éclairage sur les mœurs et la vie d’Oscar Wilde en se basant sur ce que le poète lui-même s’efforçait à peine de masquer au quotidien.
Pascal Aquien présente l’être, le dire et nécessairement le faire de Wilde parce qu’il joue de sa propre lucidité dans les intentions stylistiques et métaphoriques de Wilde. Ou plus précisément, il propose (ici), un éclairage sur les jeux de mots, de sens et le « ballet » d’un langage wildien dans des provocations esthétiques et éthiques constantes.

Vous allez pouvoir prendre du bon temps et lire cet article qu’il a eu la délicatesse de me transmettre : il nous révèle, au travers de quelques pièces de théâtre (surtout), comment Oscar Wilde a mis à nu la complexité des genres et l’insoutenable perplexité du sexuel quand il faut le taire.

Bonne lecture à tous !

Lou Ferreira
(les titres en caractère gras sont ceux de Pascal Aquien)

Photo : Pascal Aquien -avec son aimable autorisation-.

ARTICLE DE PASCAL AQUIEN :

Les comédies d’Oscar Wilde, ou le gay savoir (Atala 13, 2010: 91-105).

L’œuvre de Wilde – théâtre, fiction, essais – fait l’objet de nombreuses études qui mettent l’accent sur le mode de fonctionnement du langage . Porté et dynamisé par ce que le dramaturge a appelé, à propos d’Un mari idéal (1895), « la cadence des mots en mouvement » (The Sketch, 1895) , le langage wildien s’apparente à un ballet, avec ses pas de deux, ses entrechats et, surtout, ses pointes. L’objet de cet article, cependant, est autre puisqu’il y sera question de la basse continue sous-jacente aux quatre « comédies de société » , c’est-à-dire de la présence d’une vérité biographique fondamentale et structurante : l’homosexualité de l’écrivain. Celle-ci se manifeste de diverses manières, qui toujours soulignent l’existence d’un désir autre, d’une vérité qui bouscule les frontières convenues. Une première question se pose néanmoins : pourquoi disséminer dans son texte autant d’indices personnels ? Pour au moins deux raisons : la première est idéologique. Pour Wilde, le monde est fait de masques ; aussi, par jeu, aime-t-il à les arborer et, par esprit de subversion, à jeter le doute : et si rien, dans le monde social et surtout dans sa désignation, ne correspondait à l’apparence affichée ? La seconde raison est poétique : l’écrivain fait travailler le langage et révèle que les signes sont des malles à double fond. Une autre question est de comprendre comment il procède. On peut là encore avancer deux réponses. D’une part, il inscrit en filigrane dans le corps du texte diverses réalités affectant sa vie (le secret et le chantage), d’autre part, il redéfinit les genres, le masculin et le féminin faisant, dans son théâtre, l’objet d’une réévaluation qui les dissocie en partie des stéréotypes auxquels ils sont ordinairement liés, comme la maîtrise chez l’homme et l’émotion chez la femme. Cela est rendu possible par le regard oblique et joyeusement critique de Wilde, marié et homosexuel, et jamais dupe des apparences.

Vent de panique chez les Windermere

(image extraite du site / blog : lapasserellemontreal.com )

Le sujet de L’Éventail de lady Windermere (1893) est la découverte, faite par une dame du monde, de la supposée infidélité de son mari et, partant, de sa vie sexuelle clandestine. La prétendue maîtresse (dont on apprendra plus tard qu’elle est la mère de la jeune lady) est une certaine Mrs Erlynne, plus âgée que les époux Windermere, et douée d’un pouvoir dont pour l’instant rien n’est dit. Le mystère et le silence qui entourent cette relation ont un parfum de chantage : lady Windermere découvre que son mari verse des sommes d’argent importantes à la supposée rivale, fait qui rappelle la vie privée de Wilde, ses relations secrètes avec des domestiques et des garçons de passe, et avec les maîtres chanteurs à qui il avait fréquemment affaire.
Une crise ne tarde pas à intervenir. Celle-ci est déclenchée par lord Windermere. Son exigence ? Que sa femme reçoive chez elle Mrs Erlynne (dont elle continue à croire qu’elle est sa maîtresse), exhortation peu éloignée des pratiques de Wilde. Il invitait chez lui ses amants, Robert Ross, Alfred Douglas et bien d’autres, et sa femme, Constance, n’avait qu’à feindre de ne rien comprendre. Il avait certes conscience de ce qu’il lui imposait, comme en témoignent ces propos, à résonances autobiographiques, adressés par lord Darlington à lady Windermere pour lui dépeindre ce qu’il adviendra d’elle si elle ne se résout pas à quitter son mari :
« Vous auriez le sentiment qu’il vous ment à tout instant. Vous auriez le sentiment que son regard est faux, que ses caresses sont fausses et que sa passion est fausse. Il viendrait vous retrouver quand il se serait lassé des autres. Vous seriez obligée de le réconforter. Il viendrait vous retrouver alors qu’il ne penserait qu’aux autres. Vous seriez obligée de le séduire. Vous seriez obligée d’être le masque de sa vraie vie, le manteau qui dissimule son secret « .

« Le masque de sa vraie vie », « le manteau qui dissimule son secret » étaient ce qu’incarnait en partie Constance pour Wilde, qui savait toutefois qu’il pourrait toujours revenir vers elle (« Il viendrait vous retrouver ») lorsque, épuisé par les sollicitations des uns et des autres, et les dépenses entraînées, il la retrouvait, patiente et indulgente ; et toujours elle le rassurait (« le réconforter ») en lui renouvelant sa confiance. Il est cependant significatif que, peu de temps avant de composer L’Éventail de lady Windermere, Wilde avait commencé à rédiger une pièce, qu’il ne termina jamais, intitulée La Tragédie d’une femme mariée (A Wife’s Tragedy). Le personnage principal, Gerald Lovel, attend de la vie de plus flamboyants plaisirs que la grise quiétude domestique : « Être consumé par une flamme, voilà le secret de la vie . » Le secret, justement. Cela n’empêche pas Gerald de ne pas renoncer, tout comme Wilde, à son mariage, et, à un ami surpris qu’il supporte de telles contradictions, le jeune homme répond, cynique : « La vie est telle une vaste mer tempétueuse. Ma femme est mon port d’attache et mon refuge . » Mais aux abris et aux amarres, les marins préfèrent toujours l’océan houleux, malgré ses dangers et ses gouffres, ou à cause d’eux.
D’autres passages ont trait à la vie privée de Wilde, comme ce constat désabusé et transparent de lady Windermere : « J’ai entendu dire qu’il n’y a pour ainsi dire aucun homme marié à Londres qui ne sacrifie sa vie à quelque honteuse passion . » Le mot clé est « honteuse » (« shameful »), immédiatement intelligible pour tous ceux qui, mariés et homosexuels, se dissimulaient comme ils le pouvaient. Il est révélateur que ce même terme, plus exactement le substantif « honte » (« shame »), apparût six mois plus tard dans le cinquième vers de « Deux amours » (1894), sonnet composé par lord Alfred Douglas, jeune amant de Wilde, (« son nom est Honte/ Mais moi, je suis Amour ») dont les derniers mots sont souvent et abusivement attribués à l’auteur du Portrait de Dorian Gray : « Je suis l’amour qui n’ose pas dire son nom ». L’amour qui, certes, n’ose pas dire son nom, mais auquel l’écrivain ne peut s’empêcher de faire allusion : « Mon fils est excessivement immoral, s’écrie la duchesse de Berwick. Vous ne croiriez jamais à quelle heure il rentre à la maison. Et cela ne fait que quelques mois qu’il a quitté Oxford. Je n’ai vraiment pas la moindre idée de ce qu’on peut bien leur apprendre là-bas . » Peu importe ce qu’on enseignait à Oxford puisque les garçons que connaissait Wilde préféraient y jouer, entre eux, aux jeux du sexe et du hasard. Enfin, de qui s’agit-il au juste dans cette remarque de la duchesse ? De son fils ou de lord Alfred Douglas, tout juste sorti de l’université sans diplôme, et sans cesse parti en quête de nouvelles aventures sexuelles ? La réponse est dans la question.

Les grandes manœuvres

(image extraite du site / blog : roxaneandcendrillon.bloguez.com )

L’intrigue d’Une femme sans importance (1894), repose sur le jeune Gerald Arbuthnot, employé de banque vivant avec sa mère, dont il croit qu’elle est veuve, alors qu’elle n’a en fait jamais été mariée. Gerald fait une rencontre qui bouleverse sa vie : un certain lord Illingworth, dandy brillant, se prend d’amitié pour lui (la suite révélera qu’il est son père, ce que tous deux ignorent) et lui propose de devenir son secrétaire particulier. Les raisons qu’allègue Illingworth sont plus affectives, voire sexuelles, qu’intellectuelles ou professionnelles, comme il l’avoue au garçon ébloui : « C’est parce que je vous aime tant que je désire vous avoir auprès de moi . » « Je vous aime tant », « je désire vous avoir auprès de moi » ne sont pas les termes ordinaires d’un contrat d’embauche, et Wilde en disait long avec ce qui sonne comme une déclaration amoureuse adressée à un jeune homme. Il en fit l’aveu à Herbert Beerbohm Tree, qui interprétait le rôle – « À vrai dire, si vous êtes capable de supporter cette vérité, [lord Illingworth] n’est autre que moi-même ! » – ce qui incita le comédien à incarner le personnage en imitant la voix de l’écrivain. Conscient de tout ce qui se murmurait dans son dos, Wilde lui fait en outre tenir des propos qui sont autant d’indices sur lui-même : « Le but de la vie, pour peu qu’elle en ait un, est seulement de toujours partir en quête de nouvelles tentations. Il n’y en a jamais assez. Il m’arrive de passer une journée entière sans en rencontrer une seule . » Prenant un risque supplémentaire, dans une première version de la pièce, il attribuait la question suivante à Mrs Allonby qui interrogeait Illingworth sur ses relations avec Gerald : « Vous prenez un tel plaisir en compagnie de vos disciples ! Quel est donc leur charme ? », provoquant la réplique suivante : « Le jeune Arbuthnot n’est pas un disciple … pas encore . » Tout est dit dans le « pas encore » final, qui espère une résolution sexuellement concluante, et dans le choix du mot « disciple », employé par Wilde pour décrire les jeunes gens dont il aimait à s’entourer.

Rien de ces sous-entendus n’échappait aux amis de l’écrivain et à certains de ses admirateurs ultérieurs. Lytton Strachey, qui assista à une représentation de la pièce en 1907, s’empressa de décrire ses impressions à Duncan Grant, homosexuel comme lui. Que voyait-il dans cette intrigue ? Un « salmigondis des plus étrange » (« the queerest mixture »), formule significative dont l’adjectif (« queer ») renforcé par sa forme superlative est éloquent. Strachey choisissait à dessein ce mot, utilisé pour la première fois au début du XXe siècle pour désigner les hommes homosexuels. Et de résumer ainsi l’intrigue :
Un lord très vicieux, qui séjourne dans un manoir à la campagne, a décidé de baiser [« bugger »] l’un des invités, un beau jeune homme âgé d’une vingtaine d’années. Le beau jeune homme est ravi. Quand sa mère entre en scène, elle voit Milord et le reconnaît pour avoir copulé [« copulated »] avec lui vingt ans plus tôt, avec pour résultat, le beau jeune homme. Elle le supplie de ne pas baiser son fils et il lui répond que c’est une raison supplémentaire pour le faire (oh, c’est un lord vraiment très vicieux !).

Malicieux et sexuellement explicite, Strachey est l’un des premiers à avoir perçu ce que le public victorien, aveuglé par tant d’évidence, comprenait encore fort mal.

Valses de Vienne

La dimension autobiographique d’Un mari idéal (1895) n’est pas moins patente. Wilde confia même à ses amis Charles Shannon et Charles Ricketts, deux artistes qui vivaient en couple à Chelsea, que la pièce contenait « de très nombreux traits du véritable Oscar ». L’intrigue s’organise autour de sir Robert Chiltern, sous-secrétaire aux Affaires étrangères et étoile montante du Parti Libéral, et de sa femme Gertrude, « une femme grave à la beauté grecque », « grave » et « grecque » étant des adjectifs qu’employait Oscar pour qualifier Constance à l’époque de leurs fiançailles. Tout irait pour le mieux si Chiltern n’avait pas bâti sa fortune sur une infamie – vingt ans plus tôt, alors qu’il était sans le sou, il avait vendu un secret d’État à un aristocrate autrichien, le baron Arnheim. Celui-ci, de même que le gouvernement britannique d’alors, avait des intérêts dans le canal de Suez, et le succès de l’entreprise lui permit de bâtir une fortune colossale.
Chiltern fut bien sûr très généreusement récompensé par le baron. Par malheur, une lettre de lui alors adressée à Arnheim est tombée entre les mains d’une intrigante, Mrs Cheveley, maîtresse du baron maintenant décédé, de retour à Londres après avoir longtemps séjourné à Vienne. Celle-ci compte s’en servir pour faire chanter Chiltern et l’obliger à appuyer à la Chambre un projet, considéré par tous comme frauduleux, dans lequel elle a, à son tour, de très vastes intérêts financiers. S’il refuse, la lettre parviendra immédiatement à la presse. Mrs Cheveley, qui sait faire valser les réputations, se délecte à l’avance des conséquences de cette révélation :
Pensez à leur joie immonde, au plaisir qu’ils prendraient à vous traîner à terre, au bourbier et au cloaque où ils vous enfonceraient. Songez à l’hypocrite au sourire mielleux en train de rédiger son éditorial et de concocter son infâme dénonciation publique .

Et de l’avertir : « Et votre scandale à vous est particulièrement peu reluisant. Vous ne sauriez y survivre . » Des lettres compromettantes, Wilde en avait beaucoup écrit et la description des malheurs à venir de Chiltern préfigure avec une clairvoyante précision le désastre qui s’abattra sur lui à l’issue de son procès pour homosexualité. Par ailleurs, l’une des grandes questions sans cesse posées dans la pièce est celle de savoir ce qui est moral et immoral, en des termes qui vont au-delà de l’évaluation de malversations financières. Lorsque sir Robert parle de sa faute passée, il la décrit comme « mon secret et ma honte », termes qui connotent le poids accablant d’une vérité alors inavouable. Le sous-texte homosexuel explique aussi que Chiltern, lors d’une conversation avec lord Goring, évoque de la façon suivante la « tentation », et le « courage », et non point la faiblesse, d’y céder, courage d’exister en dépit des regards et des interdits sociaux :
Je peux vous dire qu’il existe de terribles tentations qui exigent de la force, de la force et du courage, pour y céder. Mettre en jeu toute sa vie pour un seul moment, tout risquer d’un seul coup, que l’enjeu soit le pouvoir ou le plaisir, peu importe, il n’y a là nulle faiblesse. Il y a plutôt un courage terrible et effrayant. Ce courage, je l’ai eu .

En fin de compte, Gertrude pardonnera à son mari. Tout comme Constance pardonna à Oscar : loin de l’abandonner après ses deux années de travaux forcés, elle l’aidera. En somme, une épouse idéale.

Sous l’influence d’Uranus

Cette année 1895 fut féconde : Wilde triompha avec L’Importance d’être constant, un peu plus d’un mois après la première, non moins brillante, d’Un mari idéal. Cette pièce se démarque des autres comédies en ce qu’elle ne s’intéresse pas à des thèmes sociaux ou éthiques. Pourtant, le regard porté sur les individus y est d’une acuité plus vive encore. Qu’y trouve-t-on ? Des femmes manipulatrices qui ne songent qu’à une chose : se marier, si possible avec un homme riche, telle lady Bracknell, moins grande dame qu’on ne croit puisque l’on apprend que, sans le sou et issue de nulle part, elle est parvenue à épouser un aristocrate sans grande personnalité. Les héros ne sont pas moins intéressés : Jack, sans famille, souhaite épouser la riche Gwendolen et Algernon, toujours endetté, la non moins fortunée Cecily ; comme dans le théâtre de la Restauration, celui de William Congreve par exemple, matrimony devrait plutôt s’écrire matrimoney.
Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que le mariage, qui n’est qu’un contrat, soit traité avec légèreté, puisque les sentiments n’y prennent guère de part (quand Jack annonce à Algernon qu’il s’est rendu à Londres pour se déclarer auprès de Gwendolen, celui-ci lui répond : « Je pensais que tu étais venu pour le plaisir ! Moi, j’appelle ça un voyage d’affaires »). Il n’est pas surprenant non plus que les hommes, en quête de délices vagabonds plus que de devoirs conjugaux, mènent une double vie : Jack est Ernest Worthing à Londres, et Algernon prétend s’occuper, à la campagne, d’un ami invalide, évidemment imaginaire, nommé Bunbury : « bury » comme « ensevelir » ou « dissimuler » ce que l’on ne veut, à aucun prix, révéler, c’est-à-dire son goût pour des pratiques sexuelles alors illicites (« bum » [derrière, arrière-train] plutôt que « bun » [petit pain] ?). Algernon tient tant à cette relation, ou à cette aubaine, qu’il lance à Jack :
Rien ne saurait me convaincre de me séparer de Bunbury, et si jamais tu te maries, ce dont je doute fort, tu seras ravi de faire sa connaissance. Quiconque se marie sans connaître Bunbury se prépare une existence bien morne .

Il est difficile d’être plus explicite, la connotation sexuelle du nom « Bunbury » ayant été confirmée à l’aide d’une autre étymologie, une vingtaine d’années plus tard, par Aleister Crowley :
Bunbury est un mot-valise qui mêle Banbury et Sunbury. L’auteur en question [Wilde], qui venait de monter en toute hâte dans un train arrêté en gare de Banbury, trouva le compartiment occupé par un collégien venu d’une public school des environs. Ils entamèrent une conversation et se donnèrent ensuite rendez-vous à Sunbury. D’où le mot Bunbury et sa signification. Et notre auteur se mit alors à multiplier les absences inexpliquées … .

Les choses se précisent un peu plus loin quand, à propos de Bunbury, Algernon annonce à lady Bracknell qu’il est arrivé un malheur à son ami (il ne sait comment se défaire de cette fiction qui finit par l’embarrasser) en expliquant qu’il a « explosé ». Bien sûr, lady Bracknell prend l’information au pied de la lettre :
Il a explosé ! A-t-il été victime d’un attentat révolutionnaire ? J’ignorais que M. Bunbury s’intéressât aux lois sociales [« social legislation »] S’il en est ainsi, le voilà bien puni pour sa morbidité [« morbidity »] .

« Morbidity » était un terme utilisé pour décrire les relations sexuelles entre hommes, alors considérées comme un comportement pathologique. Wilde, lui-même, dans la lettre qu’il envoya de sa prison pour demander une réduction de peine, qui ne lui fut pas accordée, parlait à propos de son homosexualité de « passions morbides » (« morbid passions ») , et le poète « uranien » (de l’allemand « Urning », terme forgé par Karl Heinrich Ulrichs en 1864 pour désigner un homme homosexuel, et immédiatement traduit en anglais par « uranist ») John Moray Stuart-Young publia en 1905 un volume de poèmes associant l’uranisme à la « morbidité », intitulé L’Amour d’un Uranien : étude poétique de la morbidité (An Urning’s Love. Being a Poetic Study of Morbidity). Quant aux mots « social legislation », ils désignaient, selon Neil McKenna , un mouvement dont l’un des objectifs était de réformer – positivement – les relations sexuelles entre hommes, autrement dit de dépénaliser l’homosexualité.
Ce n’est pas tout. Le titre même de la pièce (The Importance of Being Earnest) et le choix de l’adjectif « Earnest » (« sérieux ») et du prénom Ernest, se lisent comme un jeu de mots sur « Uranist ».
Cela éclaire les intentions de Wilde qui, d’une pirouette verbale, associait insolemment le sérieux victorien à l’homosexualité. Il connaissait par ailleurs un recueil de poésie uranienne publié en 1892 par John Gambril Nicholson, et intitulé Un amour ardent (Love in Earnest) où il est question de la passion d’un homme pour un adolescent ; l’un des poèmes, « Des noms de garçons » (« Of Boys’ Names »), y contient le vers suivant qui vient clore une énumération de prénoms masculins : « Mais c’est Ernest qui enflamme mon cœur . » Les détails de l’intrigue de la comédie font également sens : l’épisode de l’étui à cigarettes de Jack est une plaisanterie pour initiés (Wilde offrait des étuis en argent aux garçons qu’il fréquentait). À Londres, Jack séjourne à l’Albany, immeuble alors réservé à de riches hommes célibataires, et dans une première version de la pièce, l’adresse était E. 4 The Albany, c’est-à-dire celle, précise, de George Ives, ami de Wilde et fondateur en 1893 de l’Ordre de Chéronée, société secrète homosexuelle. Un autre de ses proches, John Bloxam, auteur d’une nouvelle « Le Prêtre et l’acolyte » (1894), qui dépeint la passion amoureuse d’un homme d’église pour son servant, apparaît sous le nom – identique à une lettre près – de lady Bloxham, c’est-à-dire sous l’identité et dans le costume d’une femme : le travestissement et l’attribution de noms féminins, en particulier chez les prostitués, était une pratique assez courante.

Enfin, l’avoué Gribsby a pour partenaire un certain Parker (qui est aussi le nom d’un domestique dans L’Éventail de lady Windermere), inspiré par le nom d’un garçon de passe âgé de dix-neuf ans (Charles Parker) que Wilde fréquentait ; celui-ci avait été arrêté dans un club spécialisé le 12 août 1894 en compagnie d’une vingtaine d’hommes, dont deux étaient travestis, et il fut cité lors du procès de Wilde. D’autres noms sont éloquents. Worthing, patronyme de Jack, est une ville où Wilde avait eu une liaison avec un adolescent de quinze ans, Alfonso Conway, dont les deux premières lettres (Al) sont les mêmes que celles d’Algernon. Dans une première version de la pièce, le même Algernon s’appelait lord Alfred Rufford, nom auquel Wilde renonça car l’allusion à lord Alfred Douglas était (trop) transparente. Enfin, le prénom de Cecily, alors prononcé Cicily et abrégé en Sissy, désigne en argot et sous cette dernière forme (« sissy ») un jeune homme efféminé. Comme Proust le fit plus tard avec le personnage d’Albertine, inspiré par son chauffeur Agostini dont il était passionnément amoureux, Wilde dissimule sous celui de Cecily un personnage masculin. Bien plus tard, ce parti fut celui d’Edward Albee dans Qui a peur de Virginia Woolf (1962) dont les quatre personnages étaient tous, à l’origine, des hommes.

Drôle de dame

(image extraite du site / blog : awildeanworld.blogspot.com )

Un second aspect de la stratégie de Wilde, après le cryptage fonctionnel de l’homosexualité, concerne la réévaluation des genres, masculin et féminin. Ce point de vue permet d’effectuer un glissement épistémologique passant d’une approche gay du texte à une démarche queer. Cela signifie qu’il n’est plus question de penser les catégories de « l’homme » et de « la femme » comme des essences naturelles, immuables ou transcendantales mais de critiquer les schémas de pensée binaires (homme/femme, homosexuel/hétérosexuel) de même que le concept de « vérité » appliqué aux sujets, aux identités et aux sexualités. Être « homme » ou « femme » n’est plus une donnée mais une invention, « tout sauf un destin, une nature, une triste obligation . » En remettant en question la naturalité du genre, la démarche queer montre que celui-ci n’est que le produit d’un discours. Loin de rechercher une stabilité définitive dans le genre, on ne verra plus en lui qu’« une fiction culturelle, un effet performatif d’actes réitérés, sans original ni essence .»

Un exemple éloquent est celui de Mrs Cheveley. Il n’est pas anodin, dans le contexte idéologique du temps, qu’elle ait passé de nombreuses années à Vienne. On sait que l’Autriche était en crise en cette fin de XIXe siècle et qu’à l’éclatement de l’empire des Habsbourg, qui se profilait, s’ajoutait une autre désintégration, plus effrayante encore, celle du « sujet ». Comme le souligne Élisabeth Badinter à propos des travaux de Freud, « [o]n ne parle même plus de sujet, mais de « Ça », de « Moi » et de « Surmoi » . » Ce que traverse alors l’homme autrichien est « une crise permanente d’identité », précise Jacques Le Rider, spécialiste de la modernité viennoise, qui insiste sur l’effroi que suscitait l’émancipation de la femme, son acquisition de droits et de pouvoirs étant censée produire « un homme dans un corps féminin, une virago ». Otto Weininger, qui publia en 1903 Sexe et caractère, exprimait ainsi ses craintes : « Il y a des époques […] où naissent plus de femmes masculines et plus d’hommes féminins. C’est précisément ce qui se produit aujourd’hui. L’extension qu’ont prise depuis quelques années à la fois le « dandysme » et l’homosexualité ne peut s’expliquer que par une féminisation généralisée . » Tous, philosophes, psychologues et scientifiques affichaient un antiféminisme d’une violence inouïe en n’aspirant qu’à une chose, la reconstitution d’une – mythique – polarité des rôles sexuels.

Mrs Cheveley, qui est le produit de ces mutations profondes, agit dans Un mari ideal à la façon d’un brûlot idéologique. C’est cette nouvelle femme qu’elle incarne et qui contribue à redéfinir les frontières entre les genres. De ce point de vue, son apparence est significative : « Elle fait penser quelque peu à une orchidée et sollicite vivement la curiosité . » La comparaison avec l’orchidée souligne certes l’association stéréotypée de la femme avec les fleurs. Toutefois, la comparaison est ambiguë : l’anatomie de l’orchidée (son bulbe, en particulier) rappelle celle du sexe de l’homme (« orkhis », en grec, signifie « testicule » – Wilde avait d’ailleurs surnommé « Orchid » son ami Charles Ricketts, compagnon de Charles Shannon) autant que celle du sexe de la femme, en raison de la chair et de l’ouverture de ses pétales.

L’apparence ne vaut rien sans la parole. Refusant la répartition traditionnelle des fonctions de production (l’homme) et de reproduction (la femme), Mrs Cheveley, qui n’a pas d’enfants, est associée au pouvoir politique et à la haute finance, ce qui implique que ses intérêts et son comportement sont « virils ». Ce trait de caractère se traduit au plan du discours par l’emploi du verbe « vouloir » lors de sa première confrontation avec sir Robert : « Je veux que vous retiriez le rapport que vous aviez l’intention de soumettre à la Chambre […]. Puis je veux que vous disiez quelques mots pour convaincre le gouvernement de revoir la question », martèle-t-elle. Si l’homme se considère comme l’unique détenteur autorisé du savoir, du pouvoir politique et de l’intelligence spéculative, Mrs Cheveley joue habilement sa partition pour affirmer sa puissance. Et si, au début de l’acte I, elle définit subtilement – pour endormir l’ennemi – la femme par l’irrationnel (donc par le « naturel »), elle met très vite en avant son acuité intellectuelle, c’est-à-dire sa « masculinité » : « J’ai tout de suite compris votre nature. Je vous ai analysé », lance-t-elle à sir Robert.
Face à elle, les hommes se défendent en reprenant les arguments des Viennois aux abois, quelques années plus tard synthétisés par Paul Julius Möbius dont le traité intitulé Sur l’imbécillité physiologique de la femme connut un vaste succès au point d’être réédité neuf fois de 1900, date de sa parution, à 1908 . Les propos de lord Caversham, plus poliment exprimés que ceux de Möbius, expriment des convictions comparables :

Lord Caversham : Monsieur, nulle femme, qu’elle soit jolie ou non, n’est douée du moindre bon sens. Le bon sens est le privilège de notre sexe.
Lord Goring : Tout à fait, père. Et nous, les hommes, faisons preuve d’une telle abnégation que nous n’en n’usons jamais, n’est-ce pas ?

Wilde renvoie ici dos à dos la « stupidité » de la femme et l’ « intelligence » de l’homme en laissant entendre que ni l’une ni l’autre ne sont vraies. Aussi la différence des sexes, à supposer qu’elle existe, se brouille-t-elle plus qu’elle ne s’affirme : si Mrs Cheveley est cérébrale, Chiltern est émotif. De même, lorsqu’elle dit à lady Chiltern qu’elle a trouvé son mari « réceptif à la raison », en ajoutant que c’est « chose rare chez un homme », elle se débarrasse des idées reçues sur les hommes en leur refusant ce qui est censé le mieux les définir : la raison. La même Mrs Cheveley, prête à payer Chiltern comme un client rémunère une prostituée, demande lord Goring en mariage, ce qui redistribue les rôles de l’homme et de la femme. De même, le parallélisme systématique des didascalies décrivant, à la fin de l’acte I, le désespoir de Chiltern et celui de son épouse à la fin de l’acte II contribue à nier, ou à brouiller, la distinction entre le masculin et le féminin, puisque leurs comportements sont interchangeables. Goring, de son côté, en dépeignant les hommes comme des godiches mal fagotées (« dowdies »), et les femmes comme des « dandies » intervertit les équations habituelles pour illustrer la vanité de la démarche définitoire : avec ce commentaire, il montre que les essences sont des formations de l’esprit et que seule compte la variabilité des points de vue. C’est pourquoi Wilde ne se contente pas de construire ses personnages : il les déconstruit également. Après avoir affiché une ambition démesurée, Mrs Cheveley est prête à renoncer à tout pour se marier, tout en affichant son mépris pour l’institution conjugale. Quant à Goring, qui est un dandy, il ne se comporte que partiellement en tant que tel puisque, abandonnant toute désinvolture vis-à-vis de la morale (qui est le comportement programmé de ce type de personnage), il défend l’idée chrétienne, éthique et non esthétique, du pardon nécessaire.

Trouble dans le genre

Rossetti 1877.

Des procédés comparables se retrouvent dans L’Importance d’être constant. Les filles y font des avances aux garçons, les hommes sont soumis à des événements qu’ils ne contrôlent pas, et les mères prennent les décisions. De ce point de vue, le commentaire de Gwendolen sur son père est éloquent :

En dehors du cercle familial, papa, je suis ravie de le dire, est un parfait inconnu. Et je crois que c’est très bien ainsi. Le foyer me paraît être le cadre idéal pour un homme. Et il ne fait pas de doute que dès qu’un homme se met à négliger ses devoirs domestiques, il devient péniblement efféminé, n’est-ce pas ? Et cela ne me plaît pas. Cela rend les hommes si séduisants .
Cette appréciation est l’inverse du discours convenu sur le rôle symbolique des hommes, censés se faire connaître dans le monde, y triompher et, surtout, ne jamais se cantonner à la vie domestique, « naturellement » réservée aux femmes. En outre, et de façon plus troublante, ce commentaire reprend, tel un décalque inversé, le discours réactionnaire des hommes sur les femmes. Si, dans les troisième et quatrième phrases, on remplace « homme » par « femme » et « efféminé » par « masculine », le jugement reprend à la lettre celui des adversaires des féministes. Cependant, l’appréciation de Gwendolen se brouille lorsqu’elle ajoute ce commentaire sur la séduction : « Cela rend les hommes si séduisants. » Si, premier paradoxe, le père gagne à être … inconnu, il est, second paradoxe, censé être d’autant plus séduisant qu’il est « efféminé ».

On peut s’interroger sur le point de vue de Gwendolen, qui serait plus celui d’un garçon homosexuel attiré par un homme « féminin » que celui d’une fille évoquant son propre père. La question est aussi de savoir ce qu’elle entend par « Et cela ne me plaît pas » : déplore-t-elle que son père soit « efféminé » ou, à l’inverse, qu’il ne le soit pas ou pas assez, puisque son charme, à l’en croire, vient de son caractère féminin ?
Le sentiment d’incertitude que provoque ce raisonnement a son importance : en posant comme principe que le désir est fait de tensions et de contradictions et que l’être même fait l’objet d’évaluations variables selon le point de vue choisi, il remet en cause la pétrification des comportements liés au sexe et au genre : en un mot, Gwendolen se pose en théoricienne queer avant la lettre. Ce faisant, elle fait aussi un geste politique, plus puissant que l’évidente satire sociale sur laquelle repose en partie la pièce, puisqu’elle conteste l’assise même du système patriarcal. De même, le sous-texte gay des comédies de Wilde ne s’entend pas simplement comme l’insertion en demi aveu d’événements et de désirs propres à l’auteur. En cette fin de XIXe siècle où la psychanalyse freudienne prend son essor, il agit à la manière d’un contenu latent, sous-jacent à un contenu manifeste dont il mine la prétention à tout signifier. Il donne également toute sa place au ça, pôle pulsionnel de la personnalité, face au surmoi, façonné par la conscience morale et la formation d’idéaux et d’idéologies.

Il existe donc un lien puissant entre la présence codée de la vie homosexuelle de Wilde et la réflexion sur le sujet : dans les deux cas, sont contestés les dispositifs, soutenus par la « morale », qui proposent des modèles identitaires immuables. Là est la modernité du dramaturge, qui questionne inlassablement les conceptions essentialistes de la subjectivité. Un autre titre pour une pièce de Wilde ? Des Genres sans importance.

Pascal Aquien
Université de Paris IV-Sorbonne

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WILDE (Oscar), Complete Works of Oscar Wilde, Glasgow, HarperCollins, 1994.

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Je vous propose aujourd’hui ce texte très intéressant de Gilbert Trolliet à propos de la préface d’Albert CAMUS pour le dernier poème d’Oscar Wilde : « La ballade de la geôle de Reading« . Toutes vos remarques seront les bienvenues. Plusieurs traductions des oeuvres de Wilde sont de qualité, mais les plus fiables restent celles de Pascal Aquien.

Voici le commentaire proposé , extrait de « La presse Anarchiste » , en 2007. référence du lien : spip.php?article355

La Presse Anarchiste


Photo extraite du site « Au bonheur de lire » : cadreecrivain3.jpg

Lectures :

Oscar Wilde : la Ballade de la geôle de Reading -mercredi 9 mai 2007, par Trolliet (Gilbert)-

Précédée d’une préface d’Albert Camus. Texte anglais et nouvelle traduction française de Jacques Bour. (Éditions Falaize, Paris.)

L’étrange actualité, et combien poignante, que celle de la Ballade de la geôle de Reading, dont les cent et quelques strophes nous reviennent accompagnées d’une traduction française nouvelle de Jacques Bour, précédées d’un texte remarquable d’Albert Camus. Ce long poème, s’il fait un mince volume, pèse d’un poids singulier dans l’orbe de la conscience contemporaine, et ce poids n’est autre que celui de la culpabilité qui s’ignore elle-même ou qui ne s’avoue point. Nos démons véritables ne gîtent pas dans les profondeurs réputées honteuses ou primitives de notre être. Ce qu’ils sont, et d’où ils procèdent, Camus nous le laisse bien entendre, en une série d’approximations d’autant plus saisissantes qu’elles sont plus dépouillées et qu’elles s’appliquent mieux à un cas particulier. Mais le particulier seul sait rendre compte de la complexité humaine, déceler — c’est ici le propos de Camus — le tragique essentiel inscrit dans l’insuffisance du « moi » et l’aliénation subséquente d’autrui. « On peut être sûr que le talent qui n’a su produire qu’une œuvre artificielle ne pouvait soutenir qu’une vie frivole et sans portée. Dîner tous les soirs au Savoy n’exige pas forcément du génie, ni même de l’aristocratie, mais seulement de la fortune…
Il est douteux que Wilde ait jamais pensé, avant sa condamnation, qu’il existât des prisons. S’il y a pensé, c’est avec la conviction tacite qu’elles n’étaient pas faites pour les hommes de sa qualité… Du jour au lendemain, le voilà, au nom du scandale, scandaleusement persécuté. Sans trop savoir encore ce qui s’est passé, il se réveille dans une cellule, vêtu d’un treillis et traité en esclave… Il n’a plus d’autre honte, mais cuisante il est vrai, que d’avoir été complice de ce monde qui juge et condamne en un moment, avant d’aller dîner aux chandelles. « Il n’y a pas — écrit-il alors au plus frivole de ses amis — un seul malheureux être enfermé avec moi dans ce misérable endroit qui ne se trouve en rapport symbolique avec le secret de la vie. »

« Du même coup, il découvre les secrets de l’art… Wilde reconnaît que, pour avoir voulu séparer l’art de la douleur, il l’avait coupé d’une de ses racines et s’était ôté à lui-même la vraie vie… Dans sa plus haute incarnation, le génie est celui qui crée pour que soit honoré, aux yeux de tous et à ses propres yeux, le dernier des misérables au cœur du bagne le plus noir. Pourquoi créer si ce n’est pour donner un sens à la souffrance, fût-ce en disant qu’elle est inadmissible ? La beauté surgit à cet instant des décombres de l’injustice et du mal… En quelque endroit de son cœur, à quelque moment de son histoire, le vrai créateur finit toujours par réconcilier. Il rejoint alors la commune mesure dans l’étrange banalité où il se définit. Combien d’artistes qui refusent ainsi avec hauteur d’être un homme de peu ? Mais ce peu aurait suffi à leur donner le vrai talent que, sans lui, ils ne peuvent plus atteindre. »

« L’art qui refuse la vérité de tous les jours y perd la vie. Mais cette vie qui lui est nécessaire ne saurait lui suffire. Si l’artiste ne peut refuser la réalité, c’est qu’il a pour charge de lui donner une justification plus haute. Comment la justifier si on décide de l’ignorer ? Mais comment la transfigurer, si on consent à s’y asservir ? » C’est tout le procès de l’art « engagé » qu’il semble que Camus rouvre ici. Il l’assume pleinement, et il ajoute : « À la rencontre de ces deux mouvements contraires, comme le philosophe de Rembrandt entre l’ombre et la lumière, se tient le vrai génie. C’est pourquoi, au sortir de sa prison, Wilde, épuisé, ne trouve nulle autre force que d’écrire cette admirable Ballade et de faire retentir à nouveau les cris qui jaillirent un matin de toutes les cellules de Reading pour relaxer le cri du prisonnier que des hommes en frac pendaient…
Alors, peut-être, commence une autre folie qui, sous le choc de la découverte, identifie aveuglément toute vie avec la douleur. Mais à ce moment, Wilde ne mérite plus que tendresse et admiration ; son siècle seul, le monde où il vivait, est responsable. C’est en effet la culpabilité des sociétés serviles, comme est la nôtre, qu’il leur faille toujours la douleur et la servitude pour entrevoir une vérité qui pourtant se trouve aussi dans le bonheur, quand le cœur en est digne. »

Mais, après la Ballade, Wilde ne produisit plus rien. « Il connut sans doute l’indicible malheur de l’artiste qui sait les chemins du génie, mais qui n’a plus la force de s’y engager. La misère, l’hostilité ou l’indifférence firent le reste. » Le monde pour qui il avait vécu, remarque Albert Camus en une sentence d’une cinglante ironie, « tourna le dos à celui qui avait été le héros de ses fêtes vides. Et, se jugeant alors lui-même une seconde fois, ce monde condamna encore le poète, non pour le vice d’avoir été superficiel, mais pour l’impertinence d’avoir été malheureux. »

Qu’on me pardonne ces trop longues citations. Elles m’ont paru l’exacte contrepartie morale et l’éclairement intérieur le plus juste d’un poème qu’on ne peut relire sans en projeter l’éloquence passionnée dans le temps où nous sommes. La haute poésie, parce qu’elle œuvre à même la durée et l’exalte ou la transcende, témoigne pour tous les temps et dénonce toujours à nouveau la solitude de l’homme parmi les hommes. Mais du même coup, elle cautionne tous ses rêves d’avenir solidaire et son infrangible dignité.

Gilbert Trolliet

Bien entendu, l’actualité d’Albert CAMUS est portée par l’étude approfondie de son oeuvre et de sa vie par Michel Onfray aux éditions Flammmarion :

Merci à tous et à très vite !

Lou

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